Que reste-t-il du Brexit?

Que reste-t-il du Brexit?

30 June 2025 Off By EG

5 ans après la tragĂ©die qui voyait les Britanniques quitter dans l’Ă©motion le navire europĂ©en pour mener leur vie seuls “au grand large”, et des annĂ©es de relations tendues avec les gouvernements tories empĂŞtrĂ©s dans les consĂ©quences contradictoires de leur Brexit (EIH 21/12/21, EIH 25/6/23, EIH 15/7/24), les liens entre l’UE et le Royaume-Uni se sont enfin rĂ©tablis sur de nouvelles bases.

Une analyse du Guardian le rappelle avec des chiffres significatifs: depuis le référendum de 2016 et la sortie officielle de l’UE en 2020, l’économie britannique souffre toujours. Les échanges de biens avec l’Union ont chuté de 18 % par rapport à 2019, tandis que les exportations de services ont mieux résisté. Les investissements des entreprises sont bloqués, étant inférieurs jusqu’à 13 % par rapport à un scénario remain, entraînant une perte de production estimée à 5–6 % du PIB.

D’ailleurs, l’opinion publique se retourne contre le Brexit : 55 % des Britanniques regrettent le vote, et seulement 30 % pensent qu’il Ă©tait une bonne dĂ©cision. Le PIB national est Ă©valuĂ© Ă  5–6 % en-dessous de ce qu’il aurait dĂ» ĂŞtre sans Brexit.  Lors du sommet Starmer‑UE, on estime que le « reset » des relations pourrait amĂ©liorer le PIB de 0,3 Ă  0,7 %. Cela reste toutefois insuffisant pour combler l’écart Ă  long terme. 

La pression des tarifs trumpiens n’y est pas pour rien non plus, et les observateurs avisĂ©s comme Wolfgang MĂĽnchau mettent en garde contre l’idĂ©e que l’accord commercial USA–Royaume‑Unis signĂ© en juin pourrait sauver le Royaume‑Uni. Les États-Unis sont un concurrent gĂ©opolitique, et certainement pas un alliĂ© commercial.  Face aux tarifs amĂ©ricains Ă©levĂ©s, l’Europe, plus dĂ©pendante du commerce extĂ©rieur, est plus vulnĂ©rable que les États-Unis. Munchau plaide pour une coopĂ©ration renforcĂ©e entre UE, Royaume-Uni et pays comme Canada afin de coordonner une politique macroĂ©conomique stimulante et protĂ©ger leurs Ă©conomies.  L’UE doit adopter une diplomatie indĂ©pendante, sans s’aligner sur Washington ou PĂ©kin. Le Royaume‑Uni, quant Ă  lui, gagnerait Ă  viser une autonomie stratĂ©gique plutĂ´t qu’un simple rapprochement US. 

Au mois de mai 2025 justement, un accord a Ă©tĂ© conclu entre Londres et Bruxelles juste avant le premier sommet post-Brexit Ă  Lancaster House, relançant les relations bilatĂ©rales. Une “nouvelle ère” saluĂ©e par le PM Keir Starmer, Ursula von der Leyen et Antonio Costa, avec un accord qualifiĂ© de “gagnant-gagnant” visant Ă  relancer leur relation et resserrer leurs liens en particulier dans la dĂ©fense. Le Premier ministre britannique cherche un rapprochement Ă©conomique avec l’UE, tout en excluant un retour dans le marchĂ© unique. Un pacte de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense a Ă©tĂ© signĂ©, ouvrant la voie Ă  une Ă©ventuelle participation britannique au fonds europĂ©en SAFE. Des dĂ©saccords persistent sur la mobilitĂ© des jeunes, la pĂŞche et les normes sanitaires. Le contexte politique intĂ©rieur britannique, notamment la pression de Reform UK, le parti de Nigel Farage artisan du Brexit, freine certaines avancĂ©es. Les nĂ©gociations continueront pour affiner cette « relation spĂ©ciale ». 

Le rétablissement d’une relation fonctionnelle avec le Royaume-Uni est évidemment une bonne nouvelle pour la sécurité du continent. C’est d’ailleurs le fruit des évolutions géopolitiques depuis 2022, de l’Ukraine à Trump. Sous la pression des incertitudes stratégiques, le Royaume-Uni a progressivement repris place dans le concert européen. Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, souhaite améliorer l’accord post-Brexit qu’il juge « raté », sans réintégrer le marché unique ni l’union douanière. Lors d’une visite à Belfast, il a affirmé vouloir regagner la confiance de l’UE en appliquant d’abord l’accord existant. Son objectif est de réduire les barrières commerciales, notamment les contrôles sanitaires, tout en renforçant la coopération en matière de sécurité et de défense. Il exclut le retour de la libre circulation mais prône une approche pragmatique pour corriger les failles du Brexit, améliorer les relations avec l’UE et défendre les intérêts économiques du Royaume-Uni.

L’invasion russe de l’Ukraine a rendu à l’une des premières puissances militaires du continent, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et puissance nucléaire un rôle stratégique dans la défense du continent. Ceci a été consacré par l’initiative française de la Communauté Politique Européenne en 2022 (EIH 19/5/22).

Comme le souligne le FT, l’Europe – historiquement dĂ©pendante de la protection amĂ©ricaine – doit prĂ©parer un nouveau cadre de sĂ©curitĂ© avec le Royaume-Uni post-Brexit, adaptĂ© Ă  un monde plus dangereux. Ce partenariat inĂ©dit viserait Ă  remplacer le modèle de “free riding” par une coopĂ©ration stratĂ©gique, intĂ©grant dĂ©fense, renseignements et cyberdĂ©fense.  L’accent est mis sur l’indispensable autonomie europĂ©enne, qui nĂ©cessite l’expertise britannique pour bâtir une dĂ©fense vĂ©ritablement commune.  L’article plaide en outre pour un accord solide, dĂ©passant les logiques antĂ©rieures, afin de renforcer durablement la sĂ©curitĂ© du continent face aux menaces croissantes.