
Chercheurs d’eau-r
Alors que l’Europe est accablĂ©e de chaleurs, par des tempĂ©ratures largement supĂ©rieures aux moyennes saisonnières, et que la cible haute (1,5°) fixĂ©e par les accords de Paris de 2015 est dĂ©sormais scientifiquement inatteignable, la question de l’eau et de ses usages est devenue centrale pour l’UE. Dans un rapport rĂ©cent, l’Agence europĂ©enne pour l’environnement (EEA) alerte sur la fragilitĂ© des ressources en eau de l’UE : seulement 37 % des eaux de surface atteignent un bon Ă©tat Ă©cologique et 29 % un bon statut chimique en 2021, loin des objectifs fixĂ©s pour 2015. Les deux-tiers des eaux europĂ©ennes sont en très mauvais Ă©tat.Â
Comme le rappelle cette analyse du Guardian, les principaux facteurs de dégradation sont la pollution agricole (nutriments, pesticides) et industrielle (mercure, retardateurs de flamme), renforcés par les effets du changement climatique qui accentuent sécheresses, inondations et stress hydrique.
Pour renforcer la résilience, le rapport de l’EEA recommande de réduire les prélèvements, améliorer l’efficacité (réduction des fuites, dispositifs économes, tarification incitative), intensifier le réemploi d’eaux usées et les solutions fondées sur la nature (rétention naturelle, restauration des zones humides) – des dispositifs pour la plupart déjà envisagés par la législation européenne (EIH 1/5/23) – et d’autre part une “autre approche de l’eau” mise en avant par la Commission.
Le rapport met aussi en avant la nĂ©cessitĂ© de moderniser les infrastructures hydrauliques, numĂ©riser la gestion et renforcer le suivi des donnĂ©es de qualitĂ© et de quantitĂ© d’eau. L’EEA souligne aussi l’importance d’une gouvernance intĂ©grĂ©e, impliquant États, collectivitĂ©s, secteurs agricoles et industriels, pour une gestion Ă©quitable et durable de l’eau. Cette approche est cruciale pour que l’UE atteigne une rĂ©silience hydrique face au dĂ©fi climatique croissant, protège la biodiversitĂ©, sĂ©curise les usages et prĂ©serve la santĂ© publique.
Il y a cependant fort à craindre que les nouvelles majorités au Conseil et surtout au Parlement européen n’aient aucune difficulté à faire reculer la Commission européenne sur ses engagements pour des politiques environnementales ambitieuses. L’atmosphère anti-écologique ne se limite pas au Parlement français (où l’on vote en dépit du bon sens pour arrêter les énergies renouvelables). La Commission a ainsi retiré le 20 juin unilatéralement le projet de directive anti-greenwashing, qui datait de 2023 et devait bientôt entrer en négociations finales.
L’agriculture europĂ©enne figure parmi les principaux concernĂ©s par les usages de l’eau (cf. ce rapport de 2022 par un think tank europĂ©en sur le sujet). Un tiers de l’eau utilisĂ©e en Europe est destinĂ© au secteur agricole. Ses usages affectent la quantitĂ© mais Ă©galement la qualitĂ© de l’eau disponible pour d’autres utilisations. Dans certaines parties d’Europe, la pollution engendrĂ©e par les pesticides et engrais utilisĂ©s pour l’agriculture, demeure l’une des causes majeures de la pauvre qualitĂ© de l’eau.
Outre l’épuisement des sols, la sécheresse et la perturbation du régime hydrique ont déjà des répercussions sur les rendements agricoles, comme le fait remarquer une étude récente qui estime cet impact à 10% sur les rendements.
Les agriculteurs de France orientale et Europe centrale (Allemagne, Pologne, République tchèque) s’inquiètent d’une sécheresse printanière marquée, la plus sévère depuis 1931. Les faibles précipitations – seulement 40 mm entre février et mi-avril, soit 32 % de la normale – menacent les semis de blé, orge et colza, poussant à irriguer plus tôt et soulignant l’urgence d’adaptations face au changement climatique.
PlutĂ´t que sur les orientations et l’adaptation aux nouvelles conditions climatiques, le dĂ©bat sur l’agriculture europĂ©enne va se jouer sur les moyens budgĂ©taires. D’après le site Contexte, vingt ministres de l’agriculture s’inquiètent des rĂ©ductions probables du budget de la PAC, dans la prochaine mouture du Cadre Financier Pluriannuel (2028-2034).
Dans l’exercice en cours (2021-2027), la politique agricole représente environ un tiers du budget, mais des financements sont nécessaires pour de nouvelles priorités, dont la défense et la relance de la compétitivité.