La fin de Schengen, chapitre Allemagne

La fin de Schengen, chapitre Allemagne

23 September 2024 Off By EG

C’est une ironie que ne manqueront pas de souligner nos voisins britanniques : le jour de la remise du rapport Draghi (cf. EIH 16.09.24), lundi 9 septembre 2024, l’Allemagne annonçait la réinstauration du contrôle à ses frontières et la suspension du système Schengen. Nancy Faeser, ministre sociale-démocrate fédérale de l’Intérieur, expliquait que l’objectif est de « protéger l’Allemagne de l’extrémisme islamiste ». Une justification analogue à celle avancée par la France de François Hollande en 2015, après les chocs successifs de l’assassinat de Charlie Hebdo puis des attentats du 13 novembre. Cette suspension du droit à la libre circulation se prétend donc une réponse aux tueries qui ont marqué l’Allemagne ces derniers mois.

Mais il est difficile de faire abstraction du contexte politique allemand. En particulier qu’une semaine auparavant, le parti d’extrême-droite AfD emportait largement les élections régionales de deux Länder en Thuringe et en Saxe avec un tiers des suffrages. En outre, le parti populiste nostagique de la RDA et particulièrement hostile à l’immigration extra-européenne, le Mouvement Sarah Wagenknecht (BSW), arrive en 3e position.

Jamais les partis qui composent le gouvernement fédéral n’avaient obtenu d’aussi mauvais résultats lors de scrutins régionaux. Un signe annonciateur de la décomposition/recomposition à attendre aux prochaines élections fédérales de septembre 2025. 

Quant à la suspension de Schengen, à l’époque des attentats de Paris, les inquiétudes sur le maintien de la libre-circulation, cet acquis européen essentiel, étaient déjà fortes. Dix ans plus tard, elles reviennent avec plus de vigueur. Le couple franco-allemand est peut-être le moteur de la construction européenne, mais en l’occurrence, cette décision unilatérale et beaucoup plus électoraliste que celle de la France en 2015 annonce une déconstruction.

Ainsi, l’Autriche a immédiatement répondu qu’elle refoulerait tout migrant refusé à la frontière allemande.

On peut raisonnablement imaginer qu’elle prendra une décision similaire à celle de son voisin, à l’approche (ou peu après) des élections législatives du 29 septembre prochain.

Le Premier Ministre Donald Tusk, estime que cette décision emporte la suspension de l’accord de Schengen à grande échelle et qu’une consultation urgente entre tous les Etats concernés doit avoir lieu.  

Les Pays-Bas, pourtant gouvernés par une coalition menée par l’extrême-droite du PVV de Geert Wilders hostile à l’UE et à l’immigration, estiment que ce contrôle va lourdement affecter les 1,7 millions de travailleurs frontaliers et demandent des aménagements.

Sans réactions officielles de Paris, on peut imaginer une situation similaire à la lecture de la presse régionale alscaienne

Celui qui se réjouit c’est le Premier Ministre hongrois Viktor Orban, qui prétend ainsi avoir eu raison avant tout le monde et se gausse de “l’avoir bien dit”! 

Dans les faits, tous les citoyens européens en provenance des 8 pays concernés seront systématiquement contrôlés et ceux ne détenant pas de visas ne pourront pas déposer de demande d’asile.

Dans son briefing quotidien, le site Eurointelligence relève qu’Annalena Baerbock, ministre des affaires étrangères verte fédérale a averti ses collègues qu’il n’est pas question de mettre en défaut le Pacte européen sur les migrations et l’asile voté au printemps dernier. (cf. EIH 5.05.24).

Mais ce mouvement de panique électoraliste montre une fois encore la persistance de l’illusion que les pays européens peuvent résoudre les problèmes liés aux migrations au seul niveau national.