
OGM’-pas trop
Alors, OGM ou pas ? Les Nouvelles Techniques GĂ©nomiques sont dans les tubes lĂ©gislatifs europĂ©ens depuis 2023 quand la Commission a proposĂ© une rĂ©glementation pour les encadrer, avec des règles plus souples pour que pour les OGM interdits dans l’UE. Ces NTG, telles que CRISPR/Cas9, permettent de modifier le gĂ©nome des plantes avec une prĂ©cision sans prĂ©cĂ©dent. Mais contrairement aux OGM “classiques”, ces techniques peuvent produire des modifications similaires Ă celles observĂ©es dans la nature ou par sĂ©lection traditionnelle, comme l’hybridation. Elles offrent un champ d’application très Ă©largi, mais comme le souligne l’ANSES, elles nĂ©cessitent aussi une Ă©valuation des risques au cas par cas, une surveillance post-commercialisation et une prise en compte des enjeux socio-Ă©conomiques. Leur statut juridique reste dĂ©battu. D’oĂą l’importance d’un dĂ©bat dĂ©mocratique pour encadrer ces innovations.
Sous impulsion de la présidence polonaise, le 14 mars 2025, le Conseil de l’Union européenne adoptait son mandat de négociation sur la réglementation des plantes issues des NTG.
Ce mandat établit deux catégories de NTG: la catégorie 1, assimilée aux plantes conventionnelles, exemptée des règles OGM mais avec étiquetage des semences ; la catégorie 2, soumise à la législation OGM existante. Les États membres peuvent interdire la culture des NTG de catégorie 2 sur leur territoire et prendre des mesures pour éviter leur présence involontaire, notamment dans l’agriculture biologique. Le mandat introduit également des obligations de transparence sur les brevets associés aux NTG de catégorie 1, via une base de données publique, et prévoit la création d’un groupe d’experts sur les brevets ainsi qu’une étude d’impact de la Commission.
Le Parlement avait adoptĂ© la sienne l’annĂ©e dernière, mais avant les Ă©lections. Il proposait d’exempter les NTG de catĂ©gorie 1, proches des plantes conventionnelles, des règles OGM, tout en interdisant leur utilisation en agriculture biologique. Les NTG de catĂ©gorie 2 restent soumises Ă la lĂ©gislation OGM. Les dĂ©putĂ©s demandent Ă©galement l’interdiction totale des brevets sur les NTG pour Ă©viter des dĂ©pendances pour les agriculteurs.
Une position du Parlement plutôt favorable, malgré des nuances. Le député Pascal Canfin (FR-Ren) alors président de la commission ENVI y voyait un instrument pour lutter contre la crise agricole et le stress climatique.
Les trilogues (négociations entre les positions des institutions) sur le NGT ont donc commencé. Avec plusieurs points d’achoppement. Le site Contexte en fait la liste: équivalence au conventionnel, l’évolution dynamique de la réglementation, la propriété intellectuelle et la brevetabilité, l’étiquetage et l’information aux consommateurs, l’impact sur l’agriculture biologique.
Parmi les enjeux des négociations, la brevetabilité en est un des majeurs, soulignait déjà Le Monde en 2023. C’est “le sujet problématique”, rappelle Contexte. Les risques vont du monopole de grandes entreprises, aux problèmes d’accessibilité des semences, à la potentielle marchandisation de traits spécifiques qui se retrouvent dans la nature.
Sur ce dernier point, le Parlement s’oppose aux représentants des Etats. L’objectif est d’éviter aux derniers petits semenciers européens une insoutenable concurrence avec les plus puissants, les exposant à des “poursuites en contrefaçon”. Cette position critiquée par les Etats qui y voient une façon d’accroître la compétitivité agricole et technologique européenne. Cette position équilibrée du Parlement européen est aussi critiquée par les activistes anti-OGM. Ils refusent les NGT dans la continuité de leur combat, et considèrent la position du Parlement comme trop conciliante.
L’opposition a commencé, avec des actions coup de poing comme en Italie du nord l’année dernière, à l’image de celles qui firent la notoriété des anti-OGM de l’époque. Au-delà des seules questions philosophiques sur la manipulation du vivant qui engagent les croyances et les représentations, se trouvent au cœur du débat la question de la souveraineté alimentaire et la défense d’un modèle économique agricole qui ne repose pas que sur la puissance de l’agro-industrie.