L’EUvangile Selon Mario

L’EUvangile Selon Mario

16 September 2024 Off By EG

Bien sous tous rapports

Alors que la conversation europĂ©enne Ă©tait toute entière focalisĂ©e sur la composition du Collège, et le dĂ©but des auditions des candidats-Commissaires (liste ici) par le Parlement europĂ©en, prĂ©vues Ă  partir d’octobre, l’actualitĂ© europĂ©enne a pris un tour un peu messianique. Après un suspense entretenu depuis le printemps (cf. EIH 19/5/24), le rapport dirigĂ© par l’ancien prĂ©sident de la Banque Centrale EuropĂ©enne, ancien Premier ministre italien proclamĂ© “sauveur de l’euro”, a Ă©tĂ© publiĂ© en dĂ©but de semaine dernière. Pour celui dont la “parole vaut de l’or” tant son autoritĂ© morale, ses compĂ©tences Ă©conomiques et son capital politique s’imposent au reste de l’UE, l’Europe doit investir plus de €800 milliards par an si elle veut enrayer un dĂ©clin devenu inexorable.  

  • 60 pages d’un diagnostic sĂ©vère sur les limites atteintes par le modèle Ă©conomique europĂ©en et les principes pistes pour y remĂ©dier. Suivies de plus de 300 pages de dĂ©tails des politiques europĂ©ennes Ă  mettre en Ĺ“uvre.  
  • “6 points clĂ©s et 12 graphiques” Ă©loquents rĂ©sumĂ©s par Le Grand Continent. Le pavĂ© Draghi dans la mare ne cesser de faire des ronds depuis sa publication: car l’Europe doit effectuer “un changement radical” pour rattraper son retard pris face aux États-Unis et Ă  la Chine”.  
  • Reprenant l’avertissement de la Sorbonne par le prĂ©sident Macron, le rapport Ă©voque un « dĂ©fi existentiel » et le risque d’une “lente agonie” de l’UE.  Â« Il nous faut abandonner l’illusion que seule la procrastination peut prĂ©server le consensus” avertit-il les gouvernements des Etats membres.  Le site Contexte en livre une analyse politique intĂ©ressante au regard des blocages du dĂ©bat europĂ©en. 

NEIN! 

Car les blocages sont d’abord politiques. Selon Draghi, l’UE devrait mobiliser des sommes considĂ©rables pour combler le fossĂ© technologique qui la sĂ©pare des États-Unis et de la Chine, deux Ă©conomies hautement subventionnĂ©es (par les règles fiscales aux US et par l’Etat central en Chine) dont l’effort des dernières annĂ©es leur a permis ce dĂ©crochage. La manière dont les règles budgĂ©taires europĂ©ennes et nationales sont conçues ne laisse aucune place aux principales recommandations politiques de Draghi, Ă  savoir une augmentation de la part de l’investissement dans le PIB d’environ 800 milliards d’euros par an, Ă  partir de maintenant et pour toujours. Cette mesure serait d’une ampleur sans prĂ©cĂ©dent. Le budget de l’UE ne reprĂ©sente que 1 % du PIB, dont la majeure partie est affectĂ©e Ă  des transferts non discrĂ©tionnaires. 

  • Le message de Mario Draghi a Ă©tĂ© immĂ©diatement entendu Ă  Berlin, oĂą le ministre des Finances (FDP-Renew) et le chef de l’opposition F. Merz (CDU-PPE) ont chacun de leur cĂ´tĂ© dĂ©jĂ  annoncĂ© qu’il Ă©tait hors de question de doter l’UE d’une capacitĂ© d’emprunt et de rĂ©former le budget europĂ©en pour dĂ©gager les sommes suggĂ©rĂ©es. 
  • Ce que Mario Draghi a suggĂ©rĂ©, une augmentation permanente de l’investissement de 5 point de pourcentage, ne peut ĂŞtre couvert que par une dette souveraine de la zone euro.  Dans l’Ă©tat actuel de la politique europĂ©enne et allemande, aucune chance que Berlin n’accepte.  
  • Le fonds de relance a durci les opinions politiques en Allemagne. Le seul parti ouvert Ă  l’idĂ©e d’une union fiscale europĂ©enne serait les Verts. Aucun parti politique allemand n’est prĂŞt Ă  investir du capital politique dans une union fiscale, mĂŞme si elle est au cĹ“ur de la crise que le rapport de Draghi a analysĂ©e si mĂ©ticuleusement.  
  • Une fin de non-recevoir inquiĂ©tante sur la capacitĂ©  et la volontĂ© des Etats europĂ©ens Ă  relever le dĂ©fi.  En l’état, la mise en Ĺ“uvre des recommandations du rapport Draghi ne se peut s’envisager qu’en l’absence de l’Allemagne. Une rĂ©alitĂ© dĂ©jĂ  envisagĂ©e par le rapport qui suggère de passer par “les coopĂ©rations renforcĂ©es”, possibles Ă  partir d’un accord entre 9 membres.