Money, money, money…

Money, money, money…

15 July 2025 Off By EG

Les 24 et 25 juin 2025, les membres de l’OTAN et d’autres Etats partenaires (dont l’Ukraine) se sont réunis à La Haye pour s’accorder –ou non– sur le nouvel objectif de défense souhaité par Donald Trump, 5% du PIB consacré à la défense. Dans ce nouvel arrangement, 3,5% doivent être consacrés à la défense (processus d’acquisitions d’équipements et de systèmes, notamment) et 1,5% à la sécurité (pour lesquels comptent les infrastructures).

Dans un message suintant de vassalitĂ© au PrĂ©sident Trump, rendu public par discourtoisie vantarde, Mark Rutte, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’OTAN depuis l’annĂ©e dernière (EIH 14/4/24), s’est fait l’écho des exigences amĂ©ricaines. Depuis son arrivĂ©e au poste, M. Rutte insiste sur la nĂ©cessitĂ© de dĂ©penser plus pour la dĂ©fense europĂ©enne, sans se prĂ©occuper de dĂ©penser mieux, qu’il laisse Ă  la charge des membres de l’UE. Nombre de pays europĂ©ens commencent Ă  peine Ă  atteindre les anciens objectifs de 2%du PIB consacrĂ© Ă  la dĂ©fense.  

L’objectif de débourser 5% du PIB européen dans un budget de défense et sécurité paraît ainsi irréalisable, au vu des taux d’impositions déjà trop élevés dans la plupart des pays européens pour les augmenter et financer ces nouvelles dépenses. Des coupes budgétaires sont envisagées pour certains pays en guise de solution.

Cependant, les pĂ©riodes d’austĂ©ritĂ© suivant la crise Ă©conomique de 2008 ont montrĂ© qu’au-delĂ  de la catastrophe Ă©lectorale que cela reprĂ©sente, les effets pour la productivitĂ© et la croissance Ă©taient Ă©galement nĂ©gatifs. Reste l’optimisme macroĂ©conomique : en investissant massivement dans l’industrie de la dĂ©fense, la recherche et le dĂ©veloppement, le secteur de la dĂ©fense connaĂ®tra un boom de productivitĂ© qui gĂ©nĂ©rera les revenus pour auto-financer son expansion.  

La Suède compte certainement parmi ces pays optimistes, après un virage de sa position frugale habituelle, puisque c’est l’un des exportateurs européens majeurs d’équipements militaires. Les emprunts conjoints par l’UE pour financer ces nouvelles dépenses sont sans doute la seule solution viable, puisque la marge de manœuvre fiscale des Etats-membres est trop limitée pour emprunter nationalement.

C’est ce qui a motivĂ© la rencontre dĂ©but avril d’officiels nationaux pour discuter de la crĂ©ation d’une banque supranationale pour le financement de la dĂ©fense. Le nouvel instrument SAFE (Security Action for Europe), qui vient s’ajouter au Fonds europĂ©en pour la dĂ©fense du PEID dans le cadre de ReArm Europe, est l’exemple que l’Union se prĂ©pare dĂ©jĂ  Ă  financer son rĂ©armement par l’emprunt Ă  l’échelle de l’UE. Un pas de gĂ©ant vers la dĂ©samĂ©ricanisation de l’OTAN, dans la mesure oĂą les acquisitions europĂ©ennes seraient dĂ©tachĂ©es de l’alliĂ© amĂ©ricain. A fortiori si les objectifs de la Commission d’acheter en prioritĂ© des Ă©quipements et systèmes europĂ©ens sont respectĂ©s. 

Les chefs d’Etat et de gouvernement ayant accepté ce nouvel objectif sont bien conscients de son infaisabilité : la date butoir pour de telles dépenses est 2035. C’est donc un problème pour plus tard, pour leurs successeurs politiques qui devront faire face dans cinq ou dix au mécontentement de leurs électeurs, ou revenir sur leur engagement.

Cette dernière option est plus envisageable que de consacrer 5% du PIB Ă  la dĂ©fense et la sĂ©curitĂ©, dans la mesure oĂą Donald Trump ne devrait plus ĂŞtre au pouvoir d’ici-lĂ . D’autant plus que la rapiditĂ© avec laquelle la rĂ©solution a Ă©tĂ© adoptĂ©e dĂ©montre plus une vellĂ©itĂ© europĂ©enne d’apaiser les caprices amĂ©ricains qu’un nouvel objectif de dĂ©pense militaire et sĂ©curitaire. 

En Espagne, une controverse politique s’est nouĂ©e autour du refus du Premier ministre Pedro Sánchez d’augmenter la part du PIB consacrĂ©e Ă  la dĂ©fense, en dĂ©pit des demandes croissantes de l’OTAN et des alliĂ©s europĂ©ens. Bien que l’Espagne ait promis de consacrer 2 % de son PIB Ă  la dĂ©fense d’ici 2029, P. Sánchez a Ă©tĂ© critiquĂ© pour sa lenteur Ă  honorer cet engagement. L’opposition et certains secteurs militaires estiment qu’il est urgent de renforcer les capacitĂ©s militaires, notamment en raison des tensions gĂ©opolitiques croissantes. Cependant, le gouvernement de Sánchez privilĂ©gie la gestion des dĂ©penses sociales et la rĂ©duction de la dette, soulevant un dĂ©bat sur l’Ă©quilibre entre sĂ©curitĂ© et bien-ĂŞtre Ă©conomique. P. Sanchez n’est pas seul, d’ailleurs, note El Pais

Le front –presque– commun Ă©tait cependant celui d’un enthousiasme face Ă  ce brusque nouvel objectif (dont le lien avec les objectifs capacitaires est inexistant, et a simplement Ă©tĂ© fixĂ© par Trump). Le refus de l’Espagne et de la Slovaquie de jouer le jeu a donc suscitĂ© autant d’agacement de la part des membres otaniens que les demandes du prĂ©sident amĂ©ricain. Pedro Sanchez s’est finalement engagĂ© Ă  atteindre les objectifs capacitaires (capacitĂ©s des structures de commandements, de rĂ©ponse Ă  une menace aĂ©rienne, d’acquisition de systèmes de haute technologie…) qui peuvent thĂ©oriquement ĂŞtre atteints grâce Ă  des achats conjoints entre membres de l’UE. 

Les chefs d’Etat et de gouvernement membres de l’OTAN pourraient cependant rallier P. Sanchez Ă  l’avenir : l’idĂ©e de ce dernier que la sĂ©curitĂ© climatique devrait compter dans les dĂ©penses sĂ©curitaires n’est pas incompatible avec le dĂ©coupage de 5% du PIB du nouvel objectif. Loin des prioritĂ©s trumpiennes, le dĂ©règlement climatique et les catastrophes qu’il entraĂ®ne chaque annĂ©e constitue une menace pour les territoires et les populations europĂ©ennes. Le 1,5% de l’objectif de dĂ©penses sĂ©curitaires pourrait ĂŞtre un premier pas pour lutter contre les ravages des incendies, glissements de terrain et inondations qui mobilisent Ă©galement le soutien des forces armĂ©es.  

Ce serait un autre pas vers la désaméricanisation de l’OTAN en affirmant la prérogative européenne d’identifier ses propres menaces sécuritaires.