FAT FOR 55

FAT FOR 55

8 December 2025 Off By EG

 Après le “fit for 55” (ES 14/4/22), l’UE s’est fixĂ©e comme objectif de rĂ©duire ses Ă©missions nettes de gaz Ă  effet de serre de 90 % Ă  l’horizon 2040 (par rapport Ă  1990). En adoptant une position très proche de celle des Etats membres sur l’objectif 2040, le 13 novembre 2025, le Parlement europĂ©en s’est alignĂ© sur la rĂ©alitĂ© politique de l’UE en matière climatique : il n’est plus possible d’être trop ambitieux dans un contexte qui met sous pression les acquis du Green Deal.

D’ailleurs la France avait tentĂ© Ă  l’étĂ© de remettre en cause cet objectif. Elle invoquait la compĂ©titivitĂ© industrielle et dĂ©fendait le “pragmatisme” en conditionnant son soutien Ă  une stratĂ©gie industrielle ambitieuse et Ă  une reconnaissance Ă©quivalente du nuclĂ©aire. Cette position avait occasionnĂ© un dĂ©bat difficile au sommet europĂ©en et fragilisant momentanĂ©ment l’unitĂ© de l’Union autour de ses ambitions climatiques. 

Au cours du vote au Parlement, une cinquantaine de membres du PPE (principalement polonais et espagnols) se sont aussi opposĂ©s Ă  l’objectif, aux cĂ´tĂ©s de la droite nationale (ECR) et des extrĂŞmes droites (PfE et ESN).

Le Parlement a aussi validĂ© le report d’un an, Ă  2028, le marchĂ© du carbone pour la route et le bâtiment (ETS2). Une mesure dont beaucoup craignent les effets impopulaires sur les citoyens, et une protestation de type Gilets Jaunes. 

Le Parlement a en outre validĂ© le recours proposĂ© par les Etats membres Ă  des “crĂ©dits carbone internationaux”. C’est Ă  dire l’achat auprès de pays en dĂ©veloppement de leur “droit Ă  Ă©mettre des gaz Ă  effet de serre” Une mesure qui rappelle les quotas gratuits des dĂ©buts du marchĂ© carbone europĂ©en (encore en vigueur pour certains), et qui permet aux entreprises europĂ©ennes de s’éviter quelques efforts coĂ»teux.

Cette mesure, adoptĂ©e par le Conseil de l’UE juste avant l’ouverture de la COP30 sur le climat permet donc l’utilisation de ces crĂ©dits carbone Ă©trangers, pour couvrir 5 % de l’objectif de rĂ©duction des Ă©missions de 90 % par rapport aux niveaux de 1990. C’est plus que les 3 % initialement prĂ©vus par la Commission europĂ©enne. Il contient Ă©galement une option pour 5 % supplĂ©mentaires qui peuvent ĂŞtre pris en compte par des crĂ©dits carbone Ă©trangers. Concrètement, l’objectif de 90 % est en fait devenu un objectif de 80 %. 

C’est pour cela que le site Contexte parle d’une “victoire Ă  la Pyrrhus” pour le climat. En effet, l’accord intègre de nombreuses « flexibilitĂ©s » destinĂ©es Ă  adoucir l’impact sur la compĂ©titivitĂ© industrielle et sur les Ă©conomies nationales. Certains craignent que ces compromis transforment l’objectif en un simple symbole politique, tout Ă  fait insuffisant face Ă  l’urgence climatique. Ils risquent de compromettre la rĂ©alisation effective des rĂ©ductions d’émissions, voire de menacer l’objectif 2030. En consĂ©quence, l’engagement pourrait s’avĂ©rer insuffisant ou trop diluĂ© pour relever le dĂ©fi climatique Ă  venir. Plusieurs ONG et experts dĂ©noncent une cible insuffisante pour rester sur 1,5 °C et une dĂ©pendance Ă  des mĂ©canismes de compensation jugĂ©s peu robustes. Ils dĂ©plorent un compromis affaibli par les pressions industrielles et certains États membres.

Alors qu’elle Ă©tait exemplaire jusqu’ici elle se montre finalement alignĂ©e sur les nouveaux standards mondiaux de compĂ©titivitĂ© imposĂ©s par la concurrence gĂ©opolitique des grandes puissances fossiles. Si la trajectoire de dĂ©carbonation n’est pas officiellement remise en question, la crĂ©dibilitĂ© de l’UE en matière climatique est en jeu.