
LES NERFS DE LA GUERRE
Avec l’accord entre Washington et Kyiv, l’aide militaire des Américains à l’Ukraine a repris. Cependant, le front porte des séquelles graves de l’arrêt temporaire du soutien de l’administration Trump. Si Donald Trump semble perdre patience avec la temporisation de Vladimir Poutine, l’Europe cherche toujours à appliquer les leçons de son isolement des derniers mois pour accélérer l’européanisation de sa propre défense.
La Commission européenne a présenté en mars son “Livre Blanc sur la défense européenne d’ici 2030”. L’objectif prioritaire est d’accroître les capacités de défense dans tous les secteurs, en réarmant très largement les Etats membres. L’accent est également mis sur l’européanisation de la défense européenne, en “achetant européen”, en se concernant entre Européens (et donc en ne comptant plus sur les Américains), et en finançant à l’échelle européenne (EIH 17/2/25).
Le Livre Blanc propose également un raccourci aux principes de stabilité budgétaire de l’UE pour permettre aux Etat membres de consacrer jusqu’à 1,5 % de leur PIB pendant quatre ans à des dépenses militaires. Au moins seize pays de l’UE comptent en profiter, pour l’instant : la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, la Croatie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, le Portugal, la Slovénie, la Slovaquie et la Finlande. On relèvera que l’Allemagne et la France ne se sont pas manifestés.
L’heure est au réarmement partout dans le monde, et les dépenses pour la défense n’ont cessé d’augmenter à des records jamais observés depuis la fin de la Guerre froide. En Europe, l’augmentation des budgets consacrés à la défense est de 17%, le continent qui de loin a accéléré le plus sa remilitarisation.
A l’exception de Malte, tous les pays de l’UE ont augmenté leur budget pour se procurer un arsenal ou étoffer celui existant : la Pologne consacre dorénavant plus de 4% de son PIB à la défense, le seul Etat européen qui respectera le nouvel objectif de 3.5% du PIB à fixer par l’OTAN prochainement. L’Espagne va elle cette année d’atteindre les 2% de son PIB consacrés à sa sécurité.
Le financement de la remilitarisation de l’Europe est le point d’achoppement depuis le début de la guerre en Ukraine, et l’entente de 27 n’est pas encore assurée. Désormais, aucun Etat membre ne remet en cause l’urgence et la nécessité d’une défense européenne sans l’allié américain. Seule exception la Hongrie de Viktor Orban, mais pas pour cause d’atlantisme.
Les budgets européens et nationaux à voter prochainement seront pour cela décisifs dans l’avancée des objectifs du Livre Blanc.
Côté budget européen, la Commission s’est engagée à renouveler son outil de financement des munitions d’un an, à hauteur de 500 millions d’euros.
Si Donald Trump a perdu la confiance des Européens, ces derniers ne sont pas opposés à de nouveaux partenaires stratégiques. En cela, la Turquie, étant donné sa proximité géographique et le rôle médiateur qu’a cherché à jouer R.T Erdogan pour l’Ukraine, s’impose comme un allié potentiel – membre de l’OTAN qui plus est.
Cependant, les abus de l’Etat de droit en Turquie restent un obstacle à une entière coopération de l’UE et de la Turquie (EIH 31/3/25).
Malgré les tensions liées à la politique vis-à-vis de Taiwan, la Chine n’est pas du tout favorable à redessiner les frontières du monde, et a beaucoup à perdre économiquement dans un monde instable et peu prospère. En cela, et couplé à sa rivalité stratégique avec les Etats Unis, la Chine peut être une alliée de l’Europe dans sa quête de paix et de stabilité sur le continent, estiment certains observateurs.