Moldavie ou Syldavie?

Moldavie ou Syldavie?

6 October 2025 Off By EG

Une Ă©lection parlementaire Ă  haut risque se tenait ce mois de septembre 2025 en Moldavie. Depuis son indĂ©pendance au moment de l’explosion de l’URSS en 1991, la Russie n’a cessĂ© d’exercer une forte influence sur la Moldavie via l’énergie, l’économie, les partis prorusses et les mĂ©dias.  

Comme l’explique le Grand Continent, Moscou avait montĂ© pour ces Ă©lections un plan hybride massif (« plan Kirienko »). Il combine achat de votes (notamment en Transnistrie), dĂ©sinformation et financements occultes, pour dĂ©tourner le pays de son orientation europĂ©enne. Plusieurs figures clĂ©s — Igor Dodon, Vladimir Voronin, Irina Vlah, l’oligarque Ilan Șor ou encore le mouvement « Alternative » — agissent pour fragmenter l’électorat pro-europĂ©en et renforcer le camp prorusse. L’Église orthodoxe affiliĂ©e au Patriarcat de Moscou sert aussi de relais, au point que la Russie avait financĂ© des pĂšlerinages de prĂȘtres orthodoxes chargĂ©s ensuite de revenir prĂȘcher la bonne parole poutinienne aux Ă©lecteurs.  

Pourtant, malgrĂ© l’ingĂ©rence russe et un contexte Ă©conomique difficile, le parti pro-europĂ©en PAS de la prĂ©sidente de la RĂ©publique Maia Sandu conserve sa majoritĂ© absolue avec 50,2 % des voix. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© certifiĂ©s par la Commission Ă©lectorale, montrant une augmentation du nombre de voix pour le PAS en valeur absolue par rapport Ă  2021 et une amĂ©lioration de son score auprĂšs des Ă©lecteurs de Transnistrie. Pour la premiĂšre fois, les voix de la diaspora n’ont pas Ă©tĂ© indispensables Ă  la victoire: le PAS est arrivĂ© en tĂȘte en Moldavie mĂȘme.

Le PAS reçoit donc un mandat clair pour poursuivre le rapprochement avec l’Union europĂ©enne.  

Une trajectoire europĂ©enne consolidĂ©e, alors que le pays a entamĂ© les nĂ©gociations d’adhĂ©sion depuis 2024 (ES 12/11/23). Mais aprĂšs avoir espĂ©rĂ© les premiers rounds, le gouvernement moldave ne peut plus envisager l’ouverture de tous les chapitres d’ici la fin de l’annĂ©e, le processus d’adhĂ©sion Ă  l’UE reste bloquĂ© par un veto hongrois, rappelle LibĂ©ration. Budapest prĂ©texte notamment ses prĂ©occupations sur les droits de la minoritĂ© hongroise en Ukraine. En consĂ©quence, la Moldavie — qui remplit aussi les critĂšres techniques — se voit empĂȘchĂ©e d’avancer.  

Entre chantage pour extorquer de meilleures conditions financiĂšres de la part de l’UE ou complaisance complice avec les objectifs gĂ©opolitiques de la Russie, la Hongrie bloque les futurs Ă©largissements. Y compris Ă  l’Ukraine, rappelant combien la politique d’élargissement est d’abord un outil et un enjeu gĂ©opolitique d’affirmation pour l’Europe d’une identitĂ© quasiment civilisationnelle.  

Dans une analyse toute en profondeur historique pour Le Grand Continent, Laurent Warlouzet replaçait justement l’élargissement de l’UE dans le contexte post-invasion de l’Ukraine, comme une question non seulement gĂ©opolitique, mais identitaire et institutionnelle. Depuis 2022, l’Ukraine et la Moldavie sont candidates, forçant l’Union Ă  repenser les frontiĂšres, ses rĂšgles et ses capacitĂ©s. L’élargissement reprĂ©sente une “rĂ©unification” nĂ©cessaire de l’Europe, mais le processus est long, exigeant et soulĂšve des craintes comme la dilution des standards, la transformation institutionnelle, ou le risque de devenir simple zone de libre-Ă©change.

Pour rĂ©ussir, l’UE doit simultanĂ©ment s’agrandir et se rĂ©former : renforcer ses institutions, garantir l’État de droit, miser sur la solidaritĂ© tout en maintenant exigence dĂ©mocratique.

Chaque élargissement est un défi.