L’UE protège-t-elle vraiment le vivant?
Sans nul doute, l’Europe est une des pionnières des législations environnementales. Son leadership sur les questions environnementales est ancien, réel et global. Cependant, outre le véritable retour de flamm politique manifesté par les dernières élections au Parlement européen, il semble que les préoccupations écologiques européennes soient souvent moins fortes dès qu’il ne s’agit plus des enjeux énergétiques. L’affaiblissement spectaculaire de la “loi sur la restauration de la nature” au printemps dernier, les atermoiements sur les réserves marines, et la remise en cause potentielle des réglementations urbanistiques et environnementales au nom de l’urgence des projets de développements d’infrastructure énergétique sont autant de signaux que l’UE ne fait pas du vivant une réelle priorité.
Mais l’UE n’est pas une exception, hélas. La 16ème COP sur la biodiversité tenue à Cali en Colombie, s’est achevée samedi sur un constat d’échec. Et sur une réputation européenne abîmée par les reculs des dernières années, sur fond de crise agricole. La COP15 de 2022 à Montréal avait permis d’adopter un nouveau cadre mondial visant à enrayer le déclin de la biodiversité d’ici à 2030. Intitulé “accord de Kumming-Montréal”, il fixe des objectifs ambitieux de protection de la biodiversité (cf. EIH 27/10/22). Parmi eux, veiller à ce que d’ici 2030, au moins 30 % des zones dégradées fassent l’objet d’une restauration efficace. Ou encore, protéger au moins 30 % des terres et des mers.
L’enjeu cette année à Cali était de mobiliser les ressources, notamment financières et techniques, pour assurer l’atteinte des objectifs fixés. Mais seulement 8 nouveaux pays se sont engagés à contribuer au fonds pour la biodiversité à hauteur de 163 millions de dollars. Les crédits biodiversité ont également cristallisé les discussions. Il a été porté par la France et le Royaume Uni qui ont uni leurs forces dans un groupe de travail qui a présenté une feuille de route précisant la définition de crédit biodiversité et les modalités de mise en œuvre. Pour éviter les écueils des crédits-carbone, le rapport invite à créer non pas des marchés mondiaux mais des marchés locaux, et à avoir une approche par projet
Ce sujet a été en particulier poussé par Ursula von der Leyen, avec l’idée de récompenser les agriculteurs qui préservent la nature. Cependant, plusieurs experts et associations de conservation de la nature s’opposent aux crédits biodiversité et soutiennent d’autres alternatives : Carbone4 propose par exemple de mettre en place non pas des “crédits” biodiversité, qui sous-entendent une notion de “débit” et donc de compensation, mais plutôt des “certificats” biodiversité. Ceux-ci se baseraient sur des contributions volontaires sans risque de greenwashing.
Ces discussions à Cali se sont en outre tenues alors certains accusent l’UE de reculer sur la biodiversité sur fond de crise agricole et de recul des forces écologistes aux dernières élections européennes (cf. EIH 5/5/24, et EIH 23/6/24). Le Parlement et surtout les Etats membres ont par exemple accueilli favorablement la proposition faite par la Commission de réviser le statut de protection des loups en Europe, encadré par la Convention de Berne. Le loup passerait d’espèce strictement protégée à espèce protégée. Cela induit un assouplissement des conditions de tir mortel. Le WWF soutient que cette prise de position, non motivée scientifiquement, constitue une perte de crédibilité de l’Europe dans les négociations avec les pays du Sud dans le cadre des COP.